
Du IXe siècle au milieu du XIIe siècle, les pèlerins empruntaient surtout le Chemin Côtier, car il traversait des territoires encore tenus par les royaumes chrétiens d’Espagne. C’est un chemin difficile, longeant une côte très découpée et entaillée par de profondes vallées. Le relief y est très marqué, et les nombreuses forêts favorisaient la présence de brigands et de loups… Après la Reconquête, et en particulier la reprise de la ville de Saragosse en 1118, le Camino Francés, qui offre un cheminement plus facile par de hauts plateaux, est d’autant plus emprunté que le roi Alphonse Ier d’Aragon incite les pèlerins français à l’emprunter. Le Camino del Norte décline ainsi au profit du Camino Francés, de mieux en mieux aménagé. Dans son Guide du Pèlerin, Aimery Picaud décrit donc l’itinéraire de la Route Intérieure sans même mentionner le Chemin Côtier.
En chemin vers Llanes
Si vous souhaitez vous plonger dans ce chemin avant de partir, nous vous recommandons la lecture d’Immortelle randonnée de Jean-Christophe Rufin.
Cette petite histoire d’Aubrac, qui pourrait s’intituler La Faute du Pèlerin, est un témoignage envoyé par Daniel et publié dans Camino n°61. Le pèlerinage, ou le surnaturel au quotidien…
Ce n’est pas sans émotion que nous relisons aujourd’hui ce récit écrit en 2005, car le café Chez Régine, aux Quatre-Chemins (sur le chemin du Puy), qui est le cadre de l’histoire, a été sinistré par un incendie au début de l’année 2011.
Mais écoutons à présent Daniel : Jour de Pentecôte sur la Via Podiensis.Vaches blondes dans les prés, moutons gris dans le ciel.
Parti d’Aumont-Aubrac ce matin, j’arrive aux « Quatre-Chemins ». Quatre chemins, ça fait beaucoup pour un pèlerin qui ne connaît qu’une seule direction, une seule dimension.
Je décide de faire un arrêt pour un café « Chez Régine », le bistrot du coin. Rien de mal pour un jour de Pentecôte! J’entre ; au coin du bar, je croise le regard d’un homme que je crois reconnaître. Plutôt sec, une casquette de base-ball vissée sur la tête, les yeux pointus, un bouc cendré, un sourire figé. Je l’avais rencontré plusieurs fois depuis Le Puy. Tantôt avec un sac a dos, tantôt sans sac, tantôt au volant d’une voiture. Probablement un membre d’un groupe de pèlerins accompagnés d’une voiture pilote qui les rejoint à chaque étape, un homme très gentil, avec qui j’ai échangé plusieurs fois le « bonjour, bon chemin » habituel.
– Salut, ça va ?
– ça va, tu prends l’apéro ? me dit-il avec un sourire aux incisives de loup.
C’est là que le Saint-Esprit, toujours très présent sous sa forme de colombe le jour de Pentecôte, me susurre à l’oreille :
– Tu avais pourtant l’intention de prendre un café.
– Mais, laisse-moi…, je veux dire laissez-moi le temps de passer ma commande!
Je vois Régine qui disparaît dans sa cuisine. Et mon compère du coin du bar qui saisit une bouteille et me sert un double pastis.
– À la tienne!
On se refait un grand sourire, on cause un peu. Voilà Régine qui revient. Je cherche mon porte-monnaie, mais mon compère est plus rapide et règle l’addition.
– Salut! me fait-il.
Et il disparaît. J’ai l’impression de sentir comme une légère odeur de soufre dans l’air. Je ne voudrais pas l’affirmer, de peur d’être arrêté à la frontière par l’Inquisition espagnole, mais tout de même. Bizarre!
Chez Régine, comme si on y était...
J’entends alors la Sainte Colombe, encore elle, qui ricane derrière moi. (Avez-vous déjà rencontré une colombe qui ricane ? Un pigeon peut-être, mais une colombe!)
– Alors, on va à Compostelle… sans sac à dos!
– Sans sac ?
Je me tâte le dos : Plus de sac! L’aurais-je perdu ? J’ai bien perdu un crayon avant-hier, mais mon sac! D’un pas leste et lourd d’angoisse, je retourne chez Régine. Et j’y retrouve mon sac qui m’attendait. L’odeur de souffre avait disparu. Mais la Colombe, encore elle, ne manqua pas de m’interpeller :
– J’espère que tu as compris, c’est un premier avertissement. La prochaine fois que tu veux me faire prendre un pastis pour un café, je…
Le brouhaha du bistrot ne me permit pas d’entendre la menace de la Colombe qui avait, elle aussi, soudain disparu. Je n’étais pas très rassuré, mais au moins, je n’avais pas perdu mon bâton ; ça peut servir en cas de rencontre inopinée.
Tout cela est bien sûr une histoire vraie. Sauf le soufre, que je ne peux pas jurer avoir senti…, de peur de l’Inquisition espagnole. Et pourtant, il me semblait bien que…
Il se passe de drôles de choses sur l’Aubrac. Mais au fait, si je rencontre encore une fois mon pèlerin du bout du bar au détour du Chemin, que vais-je lui dire ?
Daniel Zimmermann, mai 2005.
L’une des étapes importantes sur la Vía de la Plata est la ville de Mérida, ancienne cité romaine sous le nom d’Emerita Augusta.
Un documentaire de la télévision espagnole permet de découvrir le théâtre romain, l’amphithéâtre, le cirque, les temples et les aqueducs… Toutes ces ruines que longent les pèlerins de la Vía de la Plata tout en cheminant sur les pavés antiques de l’ancienne voie romaine, témoignage d’une histoire très riche, dont l’une des figures les plus émouvantes est peut-être Sainte Eulalie, née à Emerita Augusta en 292 et martyrisée en ce même lieu en 304.
Le documentaire présente également les paysages traversés par la Vía de la Plata dans les deux étapes qui précèdent Mérida: entre Villafranca et Torremegia, les marcheurs passent par Almendralejo, au milieu des vignes et des oliviers, sur les bords de la Guadiana. De somptueux paysages à découvrir dans cette zone agricole fertile, avec des productions locales typiques de la région: liège (provenant des chênes que l’on voit en grand nombre sur les bords du Camino), vin et huile.
Un documentaire à voir et à écouter en espagnol, pour retrouver le goût des choses de là-bas, sur un Camino sauvage et dépaysant: www.rtve.es/mediateca/videos/20091011/ruta-via-plata/603019.shtml.