Pour fêter le début du printemps et saluer les premiers départs sur le Camino, voici l’extrait fameux d’un poème écrit par l’aventurier anglais Walter Raleigh (1552-1618), quelques vers à apprendre et à se réciter en marchant sur les chemins encore baignés d’ombre, au petit matin:
Donne moi ma coquille de paix,
Mon bâton de foi pour marcher sur le chemin,
Ma besace d’allégresse, nourriture éternelle,
Ma gourde de salut
Ma robe de gloire, vrai témoin de l’espoir,
Et ainsi je commencerai mon pèlerinage.
Voici la version originale de ces quelques vers:
GIVE me my scallop-shell of quiet,
My staff of faith to walk upon,
My scrip of joy, immortal diet,
My bottle of salvation,
My gown of glory, hope’s true gage;
And thus I’ll take my pilgrimage.
COQUILLARD, substantif masculin : Mendiant dont les vêtements étaient ornés de coquilles et qui se faisait passer pour pèlerin.
« Deux tables plus loin, un coquillard avec son costume complet de pèlerin épelait la complainte de Sainte-Reine. » (Victor HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832)
Les bandes de malfaiteurs du XVe siècle
Avec la fin de la guerre de Cent Ans, le crime organisé se développe en France : les anciens mercenaires désœuvrés rejoignent les loqueteux de tout poil et les étudiants fauchés pour former des associations de malfaiteurs et se livrer à des escroqueries en tout genre, au faux-monnayage, à la triche organisée, au proxénétisme…
Que ce soit à cause de l’habit de pèlerin qu’ils prenaient parfois pour duper les honnêtes gens, ou bien parce que l’allusion à la coquille avait déjà pénétré le vocabulaire de la pègre, ces truands s’appelaient coquillards. Comme tous les gangs de rue jusqu’à nos jours, ces bandes étaient structurées par des codes très précis et soigneusement tenus secrets. Les aveux d’un procès tenu à Dijon en 1455 nous donnent cependant un aperçu des rouages et modes opératoires des coquillards.
Leur organisation pyramidale avait ses apprentis et ses maîtres, l’ensemble étant coiffé par un « roi de la coquille ». Ils s’étaient fait une spécialité de mettre en gage des bijoux truqués, et ils parlaient un jargon de leur invention, qui tenait lieu de signe de reconnaissance et leur permettait de préparer leurs exactions sans se faire comprendre des non-initiés. Le poète François Villon a été mêlé aux trafics des coquillards et a écrit des ballades dans leur jargon.
Exemples du jargon des coquillards :
Retour vers Compostelle…
À partir du XVIIe siècle, alors que les bandes du Moyen Âge ont sombré dans l’oubli, le terme de coquillard désigne à nouveau ces gueux, mendiants ou malfaiteurs, faux pèlerins de Compostelle, qui abusent de l’hospitalité des monastères et détroussent les pèlerins et les riverains du Camino.
Il existe une vieille expression familière, toujours bien vivante en argot : s’en tamponner le coquillard. Contrairement aux apparences, cela n’a rien à voir avec le crédential que le pèlerin d’aujourd’hui fait tamponner à chaque étape ! L’expression signifie se moquer de quelque chose, n’en avoir rien à faire. « On s’en tamponne le coquillard… »
Le coquillard est devenu aujourd’hui une image d’Épinal, une figure folklorique et proverbiale de bon vivant et de bon à rien. Qui sait, peut-être en avez-vous croisé un sur votre chemin ?